« Qui suis-je ? »

(Pour célébrer l’energie du Signe en cours, les Poissons, qui concerne la descente dans le profond de la conscience (Psyché-Psi-Pisces), voilà un article sur la « connaissance de soi » et le développement de la conscience)

« Nous ne pouvons que soupçonner une fraction de ce merveilleux Tout [la Conscience] entièrement hors d’atteinte de notre conscience » exprimait D.K. [1-17/8]. Le développement de la conscience ne serait qu’une succession d’expansions, une croissance de cette faculté de « conscience » qui est la caractéristique prédominante du Penseur intérieur [1-20], cette même Conscience qui serait la même, qu’elle soit physiquement incarnée ou non [5-110] [17-324]. Ainsi c’est lorsque l’homme dépasse l’état où il succombe à l’illusion, que sa conscience commence à s’éveiller… la phase finale de la vie de la personnalité étant le contrôle par l’Âme, amenant la mort et la destruction de la personnalité. [17-397/8].

L’identification de cette Conscience à la personnalité, c’est à dire au corps, à l’émotionnel et au mental, est l’illusion qui bâillonne l’expérimentation de la Vérité. La séparativité – origine de la confusion en Kali Yuga -, la croyance que nous puissions être deux choses à la fois, une petite conscience étriquée et piégée dans le monde des formes, et une Conscience plus vaste et intangible, accentue l’opposition de la recherche de cette expérimentation cruciale et englue un peu plus la perception de ce qui doit être dans les méandres du mental concret. Il ne peut y avoir l’âme d’un côté et la personnalité de l’autre ; ni la personnalité d’un côté et la monade ou Dieu de l’autre. Sinon il n’y aurait pas d’équation à résoudre, pas de recherche, cela voudrait dire qu’il n’existerait aucune corrélation et contact entre la Réalité et l’illusion. Aussi l’idée même d’une prise de conscience progressive devient très souvent un piège incontournable pour la personne dite en recherche, puisqu’elle lui suggère qu’une espèce de « quelque chose » prend le relais à la vraie introspection sur Soi et, qu’un jour, « chouette ! », le travail se sera fait tout seul… Mais c’est un jeu du mental. C’est le mental lui-même qui suggère que la conscience est un ensemble de paradoxes à résoudre. Et c’est même le signe qu’il y a quelque chose qui cloche ! Même si ce Tout est hors d’atteinte (Parabrahman), Brahman est appréhensible.

Les ouvrages de H.P. Blavatsky, et ceux du Maître D.K., regorgent d’inspirations de l’Advaita Vedanta (fin des Védas), et donc des Upanishad, qu’ils qualifiaient de « miroir de la sagesse éternelle » [D.S. IV-46], ou même de seule école [aujourd’hui] capable de produire des étudiants ayant conservé assez de savoir [D.S. I-262]. Il faut se souvenir que le souci vient de la personnalité [1-73] et qu’il est absolument nécessaire qu’elle soit dominée par l’Ego [l’Âme] [2-9]. Ceci est loin d’être aussi universellement développé. La plupart des hommes ne distinguent pas encore exactement le Penseur qui surgit dans le temps et dans l’espace, du véhicule temporaire et éphémère [3-419]. Le perceptive du présent article vise à révéler la technicité de la réalisation directe, issue de l’advaita traditionnel, dans sa généralité.

Si l’ego [la personnalité] est ce qui entrave l’éveil, la claire perception, alors il ne devrait donc pas y avoir d’autre priorité que de rechercher à révéler cette mascarade : c’est ce qui devrait motiver tout chercheur, chaque jour du matin jusqu’au soir, comme un leitmotiv récurant. Seulement, le mental est un traquenard. Tout ce qui est attrapé par lui contribue à poursuivre l’identification de ce que nous sommes vraiment – et dont nous n’avons encore aucune idée – aux corps, à l’irréel, à l’éphémère. Il n’existe pas de recherche spirituelle à l’extérieur de nous-même, cela sous-entend que tout prend naissance à ce moment même à l’intérieur du vacarme ou de la paix de ce que nous pensons être « je ».

Le sentiment du « je » devient la seule chose qui puisse être attrapée et décortiquée, afin de percevoir s’il existe vraiment. C’est l’illusion qui s’attrape la queue. Puisqu’en fin de compte la question est bien celle-là : ma personnalité est-elle indépendante du Principe fondamental « derrière » elle, Cela ? Si nous pouvons observer cette personnalité dans son fonctionnement, dans ses faiblesses, dans ses conditionnements, alors qui l’observe ? Si nous pouvons la définir, peut-elle être ce qui est recherché ? L’introspection autour de la question « qui suis-je » n’a pas pour objectif d’apporter au mental une réponse objective, car c’est l’expérimentation du sujet recherché lui-même, et cela ne peut pas être contenu ou communiqué par la formulation d’un concept. La libération est le résultat naturel d’une investigation sincère et constante sur la nature du Soi. On voit que toute manifestation, y compris la personnalité, est un jeu de la conscience dans la plénitude de l’Absolu. Dans la reconnaissance de ce fait intemporel, une joie et une paix constantes rayonnent dans le cœur, le corps et l’esprit. C’est là la vraie puissance de l’introspection : révéler le Soi-conscience comme la source de toutes apparences.
Le mental est naturellement engagé dans la recherche spirituelle, et c’est bien là le problème, car on le prend par erreur pour Celui qui voit. Mais le mental lui-même est vu, et il ne peut donc pas être l’Ultime, Celui qui voit. « Connaitre le Soi, c’est connaître Dieu. Parmi toutes les définitions de Dieu, aucune n’est plus approprié que celle de la Bible : « Je suis Celui qui suit » (Exode III). Mais nulle n’est plus directe que JEHOVA, « JE SUIS », confiait Ramana Maharshi, l’éveillé de Tiruvannamalai.

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Lorsqu’on se donne entièrement à cette recherche, on est guidé vers les profondeurs du mystère de cette univers. La puissance de l’introspection est telle, qu’en cherchant celui qui voit, des révélations spontanées émergent. On commence à sentir la grandeur et l’immensité de cet être immortel qui habite le corps. Avant d’en faire la découverte, l’être vit et se présente travesti sous la forme d’une personne. L’état naturel du mental est le silence, le vide et l’ouverture. Il existe sans intention ! Si l’on croit qu’il faut pratiquer le silence, trouver le silence, garder le silence alors nous n’avons pas compris. Il s’agit de reconnaître le silence qui ne peut être perturbé où que nous soyons, quelles que soient les circonstances, quelle que soit l’intensité du bruit : nous et le silence sommes identiques. Qui est derrière toute cette manifestation ? Regardez et vous découvrirez qu’elle fonctionne par elle-même.

Mais quel « chercheur » aura le courage de faire cela ? Car il faut s’engager résolument dans la recherche comme si notre vie en dépendait, et cette résistance tombera en un rien de temps. Et pourtant qui l’engage ce travail fondamental ? Pire, à quel niveau notre mental nous persuade que c’est bien ce que nous faisons déjà ? Il n’y a rien à comprendre intellectuellement du mental abstrait. Jamais le mental ne songe à chercher sa propre origine. Le mental n’est lui-même qu’une pensée. Je est un fantôme. Ce n’est pas l’ego qui doit réaliser qu’il est le Soi, c’est la conscience qui doit percevoir qu’elle n’est pas l’ego. Quand l’ego n’est plus là, la Réalisation devient une évidence. Il n’y a pas de libération, c’est de l’ego qu’on est libéré ; le Soi a toujours été le Soi. Le fait que l’ego soit là ou pas n’est pas le problème, le problème est qui s’en soucie ?

L’esprit en tant que tel n’existe pas. C’est l’apparition des pensées qui nous fait supposer une source dont elles émaneraient. Quand nous essayons de découvrir sa nature, nous nous apercevons qu’il n’existe pas. La capacité de penser, de discriminer est purement fictive, disait Ramana Maharshi. Ego, esprit et intellect sont une seule et même chose. En essence, l’esprit est conscience. Mais quand il est dominé par l’ego, il opère en tant que faculté intellectuelle, pensée ou appréhension. Le mental cosmique n’est pas limité par l’ego, si bien que rien n’est séparé de lui et qu’il est donc pure conscience.

Beaucoup ont peur de chercher au-delà des capacités intellectuelles du mental. Il y a l’idée que « l’absence de mental » équivaut à la folie ou à une perte. Il faut trouver ce qui s’accroche au mental ou s’en décroche, ce qui vient et ce qui va…Comment pourrions-nous, en découvrant qui nous sommes, devenir fous ? Résistons à la tentation de formuler la moindre conclusion, vivons l’expérience. C’est le mental qui lutte pour maintenir son emprise. Ce faisant, le déroulement des choses n’est plus de notre ressort. Très peu de gens peuvent supporter ça. Il se peut que certains reviennent en arrière et le mental attend leur retour avec impatience. La peur est toujours plus forte que ne le justifie la situation. La peur vient du manque de confiance. Nous pensons que nous pouvons prendre soin de nous-même mieux que Dieu. Nous craignons que ce que Dieu a prévu pour nous, ne soit pas ce que nous voulions. Quand nous lâchons ce qui, selon nous, va nous rendre heureux, nous permettons à la Grâce de respirer, et un espace s’ouvre pour que des choses magnifiques et même inimaginables se produisent.

Pourtant, cet apparent besoin de contrôler, cette peur de perdre le contrôle et ce prétendu déferlement, sont aussi le jeu de la Conscience, car en dehors de la Conscience, il n’y a pas d’individu qui décide ou agisse à l’encontre de Son bon vouloir. Tout est Conscience. Les êtres humains et leurs activités sont un effet et non la cause de la Conscience. Réfléchissons à ça.

Sri Nisargadatta Maharaj exprimait la chose suivante : « Je laisse ma nature humaine se déplier, de la façon dont son destin le veut… Je reste tel que je suis. » Cela ne voulait pas dire qu’il avait vraiment travaillé sur sa personnalité pour qu’elle devienne idéale afin de vivre l’éveil. Non ce qu’il voulait dire était « j’ai vu qu’une personnalité parfaite n’existe pas, j’ai cessé de perdre mon temps en essayant de travailler sur une chose qui n’existe pas. » Ce qui veut dire : « je détourne mon attention de cela ». Car l’attention est bien sûr une qualité du mental. Dans l’introspection, il y a cette conscience en laquelle est observé le mouvement de l’attention qui se déplace ou non.

L’introspection est si impitoyable, que lorsqu’on en comprend le but et qu’on le poursuit avec sérieux, elle révèle immédiatement comme une apparition, comme irréel, le sens de l’ego en nous. Le fait d’en saisir le « je » illusoire en rompt le charme, et ainsi il ne reste de nous que le pur-Soi-conscience. L’introspection n’est pas un enseignement. Servir veut dire avant tout demeurer dans le Soi, et la méditation permet de chasser l’illusion selon laquelle le « Soi » doit être vu. Le Soi est comme un puissant aimant dissimulé à l’intérieur de nous. Il nous attire peu à peu vers lui, mais nous nous imaginons que c’est nous qui faisons l’effort d’aller vers lui. Quand nous sommes suffisamment proches, il met fin à nos autres activités, nous immobilise, et absorbe notre énergie individuelle ; il tue notre personnalité. Il submerge l’intellect et engloutit notre être tout entier. Nous croyons que nous méditons sur lui, que nous progressons vers lui, alors qu’en réalité nous sommes la limaille de fer et lui l’aimant qui nous attire. (Ramana Maharshi)

Si la compréhension de tout ceci nous inspire qu’il nous faille jouer du sabre pour nous attaquer aux têtes de l’hydre, ou au sentiment qu’il va nous falloir détruire, éradiquer, trancher ou couper quoi que ce soit à la personnalité, alors nous passons à côté de la la subtilité de la sadhana (pratique). N’imaginons pas non plus qu’il n’y a pas de plan pour la personnalité, cette dernière est illusoire et éphémère, et dans quelques dizaines d’années, il n’en restera rien. Tant que ce processus n’est pas engagé nous faisons durer le plaisir et ce peu importe depuis quand nous jonglons avec nos concepts. De nos jours, bien des gens ont lu et entendu parler de la philosophie de l’advaita, du bouddhisme, de l’ésotérisme, d’Alice Bailey, mais souvent la vérité qu’ils indiquent ne réside que dans le mental et l’intellect. Ils ne dissolvent pas leur identité. « Tous les livres sont des prisons à idées » [4-523], disait D.K. ; « mettons nos livres et nos papiers de côté » [21-218] écrivait Alice Bailey. Tant que c’est le mental qui emmagasine, on appelle ça de l’ignorance. La Conscience, est ce qui est appelé Connaissance, c’est Être. L’occultisme, la théosophie et toutes les écoles de ce genre sont des voies détournées conduisant au même but. Leurs adeptes finiront eux aussi par atteindre le Soi. Mais leurs « chefs de file » n’enseignent pas la méditation sur le Soi, et rare sont les élèves de l’ésotérisme qui le découvre par eux même. Aux autres aspirants dont l’intellect est particulièrement fin, les Védas disent ceci : « C’est parce que le Soi est obscurci par une couche d’ignorance, que ce manifeste ce monde illusoire des phénomènes. En réalité le Soi n’est pas voilé. Il apparait ainsi à ceux qui s’identifient au corps. »

La conscience dans son expression humaine a toujours faim de quelque chose. Aussitôt qu’elle effleure le sens d’autonomie, se manifeste le sentiment d’incomplétude. Elle imprègne tout ce qui se manifeste.

« Comment se fait-il que l’éternellement immuable se manifeste sous forme du changeant et semble subir un état d’hypnose en croyant être ce qu’il n’est pas, pour ensuite s’efforcer de redécouvrir la connaissance du Soi à travers le mental ? Comment se peut-il qu’il crée tout ce rêve, et ensuite manifeste la capacité de s’éveiller de lui-même de cette somnolence auto-induite, pour réaliser finalement qu’il n’a jamais été endormi ? Quelle chose étrange » écrivait Paul Moo-Young.

Lorsque l’introspection fait réellement son œuvre, on a l’impression que l’on va s’écraser, et que les choses vont mal tourner. Mais tout ça ne sont que des pensées, car qu’est-ce qui peut mal tourner ? La tendance du mental égotique est de penser que quelque chose de terrible va arriver. Si on s’identifie prématurément à ces pensées, alors on passe à côté de l’occasion d’entrer dans la profondeur de l’Être. Le mental dit qu’on ne peut pas gérer cela, et ce ressenti témoigne de ce quelque chose qui ne veut pas être découvert. Il faut s’attendre à cette voix, car elle viendra, comme elle l’a fait pour chaque être libéré… Quelque chose est agité, mais en même temps, quelque chose d’autre ne l’est pas. Ce quelque chose d’agité s’est habitué à être gardé secret.

Ne faisons pas non plus l’erreur de penser que nous avons transcendé Dieu ou que nous avons annihilé la dualité. S’il y a encore un « nous » pour prétendre de telles choses, c’est que l’ignorance domine encore.

Le couperet est en train de tomber, mais la tête parle encore.
Maintenant le couperet est tombé, et la tête est toujours en train de parler !

Pour certains, percevoir l’illusion du contrôle est une idée profondément oppressante, alors que pour d’autres c’est une libération totale. La Conscience ne vous force pas la main. Vous êtes invité à voir.

Qui êtes-vous sans votre mental ?


Références : le rédacteur de l’article, afin d’obtenir une perception la plus fluide possible, a volontairement omis de référencer chaque citation ou partie de citation. Vous pouvez, cependant, retrouver l’ensemble des thèmes traités dans les ouvrages suivants :

  • Les citations entre crochet renvoient au numéro de page anglaise des livres d’Alice Bailey ou H.P. Blavatsky DS : Doctrine secrète – 1 : Initiation humaine et solaire – 2 : Lettres sur la méditation occulte – 3 : Traité sur le Feu Cosmique – 4 : Traité sur la magie blanche – 5 :  Etat de disciple dans le nouvel âge vol. I – 17 : Traité sur les 7 Rayons iv. – 21 : De l’intellect à l’intuition.

 

  • Sri Nisargadatta Maharaj – Je suis. Sois ! – Graine de conscience
  • Ramana Maharshi – La lumière du Soi – Immortelle conscience – Sois ce que tu es.
  • Dennis Waite – L’advaita Vedânta, théorie et pratique.
  • Mooji – Le souffle de l’Absolu – Avant je suis.
  • W.L. Poonja – Cela, ainsi parlait Poonja – A la source de l’être.
  • Swami Ramdas – Le pèlerin de l’Absolu – Présence de Râm.
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