Dans les précédents articles sur l’étymologie, nous avons analysé des mots concernant le But de cette année 5.7, dédié à la célébration de la « Liturgie créative du groupe et du travail », en explorant les termes, Ordre/Ordonnancement, Solennité et Liturgie.
Nous allons poursuivre l’analyse des termes concernant cette année liturgique de Groupe, en nous consacrant à présent au mot « groupe », car il est le pivot qui soutient notre engagement.
L’ « Initiation de Groupe » est le troisième des sept Buts qui vivifient la diagonale de la Table du Plan, et le mot contribue à définir le contenu des neufs autres Buts. (Enzio Savoini Premier Vertex, Les Buts lointains)
Le vocable « groupe » est très récent dans la langue française. Il vient de l’italien groppo, terme du vocabulaire artistique qui désigne un ensemble d’individus peints ou sculptés. Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle que ce terme désigne une réunion de personnes.
Ceci ne signifie pas que la notion de groupe n’existait pas avant l’usage de ce terme ; cette notion était évoquée par les termes de village, horde, corporation, etc., des termes liés souvent à des ensembles sociaux.
Les linguistes rapprochent le terme groppo de celui de nœud et supposent qu’il dérive de l’allemand kruppa (masse arrondie/croupe) qui évoque quelque chose de rond.
L’étymologie fournit donc deux perspectives liées à la notion de groupe : le nœud et le rond. Le nœud au sens du degré de cohésion entre les membres et le rond au sens d’une réunion, d’un cercle de personnes.
. On sait que ce terme, à partir de 1800 a rencontrer un grand succès dans tous les domaines de la connaissance, s’étendant des disciplines artistiques et scientifiques aux sciences sociales et psychologiques. Nous avons naturellement et particulièrement à cœur les indications évolutives sur l’essence du groupe, données par le Maître tibétain et l’Agni Yoga, ainsi que les études et expériences que nous menons.
Nous nous demandons également : quelle la racine du mot « groupe » en exprime l’essence sonore ?
En éthmosophie, cette question nait du fait que très souvent, l’âme d’un mot se trouve cachée par une apparence qui le dissimule et que seule son apparence formelle appartient à une famille linguistique déterminée, alors que sa parenté doit être retrouver dans une autre souche.
Sur l’inspiration des recherches du glottologue Rendich (qui cependant ne traite pas du terme « groupe ») qui a conçu une nouvelle méthode interprétative, en associant chaque son à une idée, nous essayerons d’explorer directement les sons initiaux du mot, qui normalement indiquent des traces de la racine : g, r.
A propos du premier son, Rendich écrit : C’est le nom indo-européen Agni, le dieu du feu qui à l’origine personnifiait l’éclat de l’éclair, qui nous indique le type de mouvement exprimé par la consonne g. […]. Le son g désignait le mouvement sinueux de l’éclair. »
Sur le second son, il écrit : « En indo-européen, la consonne r […] signifie « aller vers », « aller, venir à la rencontre », « venir », « rejoindre ». (Franco Rendich, Dizionario Etimologico comparato delle lingue classiche indoeuropee. Indoeuropeo- Sanscrito-Greco-Latino, Palombi Editori, 2010, pp. 61, 333)
Nous sommes alors en mesure d’identifier une racine indo-européenne qui a une affinité avec notre mot « groupe » : * GRĀ-, qui exprime l’idée de « se déplacer [g] pour acquérir un résultat [rā] », se réunir en grand nombre », « vivre en communauté ». C’est avec joie nous apprenons que le sanskrit grāma, qui désigne la communauté, et l’agora grecque, qui signifie le lieu de rencontre, naissent de la même racine, comme les branches de la souche. Ensuite l’appartenance à cette même souche du terme latin grex, qui en italien n’aurait conservé que l’acception de « troupeau » est puissamment révélatrice (Franco Rendich, Op. cit, p. 75)
.En réalité, dans le latin classique grex, il désignait non seulement le troupeau de brebis ou de chèvres, comme on pourrait le penser superficiellement, mais il s’articulait en plusieurs significations : tableau, groupe, cercle de philosophes, compagnie d’acteurs, groupe de choses. Particulièrement le latin, donc, nous donne la clé de la signification de notre mot ! D’autres termes latins comme le verbe congrego, se réunir, ou l’adjectif et substantif grégaire, appartiennent à la même matrice linguistique, et sont clairement liés à l’idée du groupe.
En outre, dans l’œuvre de Dante on trouve à plusieurs reprises le terme troupeau avec le sens de « troupe » ! Dans le troisième cercle du septième cercle infernal, le Poète voit les blasphémateurs, et s’exclame :
[…] D’âmes nues, je vis de nombreux troupeaux. (XIV Cantique, v. 19)
Cependant l’image évoquée par la langue grecque, du « groupe » comme réunion sur une agora, un lieu, symbolique et physique, d’échange commun est aussi belle. A l’époque homérique, l’agora était l’assemblée des hommes libres, et devint par la suite le lieu où ils se réunissaient, identifié comme un centre politique, sacré et économique de la polis grecque.
Si notre hypothèse est correcte, dans l’étymologie du mot « groupe« , le feu de l’éclair s’allume et l’idée exprimée est la vie en commun.
Le terme est né dans le monde de l’art et fait référence à l’ensemble des éléments qui composent une Gestalt, un arrangement de personnes ou d’objets qui se démarque du reste de l’œuvre picturale ou sculpturale, en raison de certains liens qui déterminent cet arrangement. Ces liens agissent comme la force de gravité : ils établissent une relation d’interdépendance entre ses parties, grâce à laquelle chacune tient et est tenue par les autres. Cela produit l’émergence d’une nouvelle entité, le groupe.
Une chose est certaine, et elle n’est jamais soulignée : « groupe » est un mot qui, dans son utilisation primaire liée à l’art, est sans équivoque un beau cadeau de la Renaissance italienne.
Les nouveaux groupes apparaissent lentement et graduellement et sont gouvernés par les lois de l’âme. Ils feront donc entendre une nouvelle note et ils produiront des groupes qui seront soudés ensemble par une aspiration et un objectif unis. Pourtant, ils seront constitués par des âmes libres, individuelles et développées qui ne reconnaîtront nulle autre autorité que celle de leur propre âme, et qui subordonneront leurs intérêts au dessein de l’âme du groupe pris comme un tout. De même que l’accomplissement d’un individu a, au cours des âges, servi à élever la race, ainsi un accomplissement parallèle en formation de groupe tendra à élever l’humanité encore plus rapidement. (P.E II, p.179 angl)
Une réflexion qui naît précisément de ce laborieux excursus sur « notre » mot nous est présentée : la terminologie de « groupe en étoiles » est puissamment innovante, car elle correspond à la proposition d’expérimenter de manière libre et ordonnée un travail de groupe qui s’inspire d’un modèle universel, dans lequel la science des sept Rayons, les lois numériques et géométriques se conjuguent avec celles du son, pour s’appliquer à la vie intérieure, la recherche commune structurée et au projet d’une nouvelle culture/civilisation. (Enzio Savoini Premier Vertex, Il Gruppo a Stella, Nouvelle Ere, 2016 )
Nous concluons par un passage, qui fait entrevoir que le travail de groupe est avant tout un état de conscience, auquel nous devenons participants au moment où l’on s’engage pour le Bien Commun, un mode de vivre dans l’infini « agora » cosmique :
Le disciple qui a répondu à l’appel de l’Enseignement et qui brûle de tous les feux de la dévotion, est véritablement le collaborateur des forces cosmiques. Ayant ajouté ses propres actes aux forces cosmiques, ayant orné de ses pensées la pensée de l’espace, n’est-il pas un créateur ? Et la sagesse des siècles ne sera-t-elle pas le meilleur ornement ?
L’immensité du Cosmos, du Feu Spatial, impartira la meilleure destinée à l’humanité qui cherche. (Agni Yoga 649)
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[*] Aujourd’hui, comme cela se produit à des intervalles d’environ trois mois, se produit la conjonction héliocentrique entre Mercure et Neptune, associée à l’harmonie du langage.
**Traduction libre de quelques extraits de « Alla radice del gruppo »